Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
25 novembre 2014 2 25 /11 /novembre /2014 23:09

 cimetiere---copie-2.jpg

 

Comment un cimetière peut s'ouvrir.

 

 

En septembre, avec un de nos fils, nous rendons visite aux tombes de la famille

Pourquoi cette décision ?

Il fait beau et c'est notre désir du moment, nous descendons joyeux pour acheter des fleurs La petite route du bois respecte prés et pacages en les contournant avec ses pierres sèches.

C'est un jour d'espérance.

Puis c'est la montée vers le jardin de nos tombes, qui est là, soudain, dans son pré. En bas,

caché dans son lit de feuilles de hêtre, le ruisseau fait son bruit de foule en attente joyeuse.

Un instant nous craignons que la grille ne soit fermée, comme si l'un des défunts risquait de s'échapper.

La grille a son grincement plus que centenaire.

L'herbe est tondue, tout est propre, soigné, à sa place.

À droite, au milieu de l'allée, il y a, immuable, la grande tombe à étages des ancêtres et à son ombre, celle des parents sous le rosier fané.

 

À ce moment, sans prévenir, mon regard sur ce lieu bascule et comme une évidence toujours connue et pourtant insoupçonnée, je vois les tombes, alignées sagement, comme des fenêtres ou plutôt des portes ouvrant vers le ciel de chacun. La terre brune est creusée à chaque place, les pierres grises de Volvic se font transparentes à un bleu surgi du fond du ciel et posé là, tout naturellement, de l'autre côté de la terre et des pierres froides. J'entends soudain les prières d'antan se murmurer dans mon souvenir, sous le chapeau de maman, la voilette de la grand tante et tout ces personnages qui glissaient derrière nous, en silence murmuré, chacun vers le souvenir de son défunt. J'entends aussi la grille saluer chaque arrivant de son léger grincement.

J'entrevois un ami d'enfance et du pays me dire il y a bien vingt ans, lui ce grand silencieux :

"Eh oui... Pôvre ! On n'est pas d'ici"

 

Nous voici debout devant la croix des parents allongée entre les lauzes et le gravier. Le rosier est là, penché, et l'ardoise gravée qui ne se lasse pas d'inviter à prononcer les noms à qui vient les lire.

Ai-je rêvé ?

 

Les pierres sont là, les grandes croix et les petites chapelles couvertes en zinc avec les  noms de familles du pays sur les plaques émaillées et aussi les vieilles croix penchées sur d'infimes terrains piqués de trois fleurs des champs.

Qu'ai-je vu tout à l'heure ?

 

Peut-on voir à la fois de nos yeux, des réalités si contradictoires : des pierres devenues fenêtres, des trous aussi ouverts que comblés et au delà, ce ciel de printemps en automne ?

J'ai vu les trous si froids des tombes devenir passages, fenêtres, portes ouvertes qui ont laissé filer leurs morts si on ne les retenait pas trop, vers une vie aussi certaine qu'inconnue.

Dans notre dos, à droite j'aperçois le petit emplacement libre et verdoyant acheté 250 francs, voici quarante ans au moins pour notre traversée d'un jour qui vient.

 

Nous plaçons, les fleurs sous les noms des parents avec les gestes soigneux du passé.

Nous arrachons trois tiges folles, chassons dix feuilles, redressons un branche du rosier.

Après le temps de silence, peuplé des prières-souvenirs habituelles, silence souligné par le murmure du ruisseau au bas de la pente, une grande joie m'inonde, comme débordée des tombes devenues puits d'espérance.

Non seulement les morts qui ont défilé ici, sont trépassés, mais ils sont surtout passés tout à fait, de l'autre côté, chez eux, chez nous, ils sont au coin du feu éternel, ou bien courent dans les champs de leur paradis.

Il n'y a plus personne ici. Ne restent que les noms gravés qui vivent si on les prononce.

 

C'est le moment  de partir. En me retournant, j'entrevois notre petit coin réservé et je revis en quelques instants l'année qui vient de s'écouler avec ses tribulations, la mort qui rôdait, les larmes plus ou moins retenues et les giboulées d'espérance sur la route de l'hôpital ... C'est là qu'une nuit du joli mai de cette année, pendant que des mains pleines de sollicitude réanimaient mon épouse, c'est là que j'ai arrêté la voiture et crié "Au secours !" sans réponse à mes oreilles.

Mais quand le moteur  est reparti, j'ai entendu comme un murmure, c'étaient, échappés de mes lèvres, les premiers mots venus du fond des âges : ceux de la prière à Marie, la salutation des matins et des soirs qui bannit toute crainte et nous rend tout petits.

Les semaines et les mois ont glissé dans leur lit, comme le ruisseau du cimetière.

Aucune raison de se plaindre car l'abandon des projets, des châteaux, des voyages, la cuisine, ses oignons, les rangements, les "courses", les brusques intuitions qui me faisaient courir à la chambre alors que la "malade" était déjà dans l'escalier, tout cela s'est fait aussi simple que l'instant venu, embrassé comme un ami.

Les mois ont passé, les "enfants" sont accourus, illuminant le visage de leur mère.

Et voici ce mois de septembre radieux avec la visite au jardin des tombes, soulignée par le chant si discret du ruisseau sous les hêtres.

C'est comme si les peines et les imprévus des mois passés avaient commencé à creuser notre passage, à petits ou grands coups de pelles et de pioches.

C'est comme si chaque moment de refus d'espérance faisait retomber les lourdes mottes dans le passage qui s'entrouvrait pour nous, ici.

Chacun pourrait-il ainsi creuser son propre trou pour ouvrir sa porte ? Faut-il frapper avant d'entrer ? Demander s'il y a quelqu'un ? Disant aussi "Je me tiens à la porte et je frappe" ?

Qu'en sera-t-il demain, maintenant que notre avenir plein de projets s'est concentré en tous les instant présent à venir, un à un, au rythme d'ici bas ?

 

Je me sens pris du violent désir de partager avec d'autres ce qui est arrivé en cette soirée, ces instants, avec notre fils et sa mère, les fleurs et le ciel si bleu de Septembre. Comment transmettre cette paix encore inconnue pour moi sous la forme si insolite qu'elle a prise? 

Une paix ouverte, épanouie, sous laquelle chacun, croyant au ciel ou n'y croyant pas, pourrait se glisser à son aise.

 

Jacques Orfila  29.10.2014

Partager cet article
Repost0
3 février 2013 7 03 /02 /février /2013 15:51

colombe-2012-12-11-a-10.05.21.jpg

 

 

Saki et Fleur de Mai.

 

Saki et Fleur de Mai s’étaient rencontrés un jour de fête, puis leurs chemins s’étaient croisés de plus en plus souvent jusqu’au jour où ils s’étaient pris par la main.

Ce qu’ils s’étaient dit à ce moment, eux seuls le savent, mais chacun avait découvert par ce simple contact ce que peut être une main, celle de l’aimé. Après un temps qui ne se mesure pas, de leurs doigts qui se détachaient, une colombe s’était envolée, faisant la navette de l’un à l’autre, comme une chanson.

Puis ils s’étaient mariés et chaque instant de bonheur était marqué par le froissement des ailes de la colombe.

Un jour, Saki prit peur car leur colombe volait de plus en plus loin de la maison. Il essaya de l’attraper pour la mettre en cage, elle lui échappa, vola un peu plus loin et il partit à sa poursuite. Fleur de Mai qui faisait la soupe arriva avec le plat fumant et, par la fenêtre, vit Saki courir après la colombe. Bientôt elle le perdit de vue et dut manger toute seule.

Quand il revint, il était tout triste et mangea sans parler. Souvent il guettait la fenêtre et ne voyait plus les yeux de Fleur de Mai. Leur appétit tomba et ils ne surent plus de quoi parler. Le soir, allongés côte à côte, ils pensaient à la colombe.

Une fois, Fleur de Mai crut la voir sur le toit des voisins, une autre fois Saki la crut noyée au fond du puits. Eux qui s’inclinaient volontiers l’un vers l’autre, devaient faire effort pour seulement se regarder. Puis ils perdirent espoir et les querelles commencèrent car ils étaient deux: si l’un avait raison,  l’autre ne pouvait qu’avoir tort.

Un jour une colombe passa, mais ce n’était pas la leur: un couple de fiancés  chantait sous la fenêtre. Le soir venu, Saki ne pouvait dormir et Fleur de Mai gardait la respiration silencieuse de celle qui pense au lieu de sommeiller. Une nuit elle pleura, puis toutes les nuits et celà dura tant qu’ils cherchèrent la colombe. 

  Un matin, Fleur de Mai en ouvrant les yeux vit la main de Saki posée à côté d’elle. Elle se dit tristement:

- Nous avions fait une alliance, la colombe était née et voilà que nous ne pouvons même plus nous regarder. Est-ce bien, posée là, une main de Saki, ou celle d’un étranger?

 Elle regarda le bras, l’épaule, puis ses yeux se posèrent sur le visage de son mari, brouillé par la nuit.

- Est-ce lui, mon Saki d’autrefois?

Un frôlement léger lui fit tourner la tête et elle vit la colombe sur l’appui de la fenêtre. Que faire? L’attraper aurait réveillé Saki. Elle lui frôla la main délicatement et il ouvrit les yeux. “

- Tu as vu?, dit-elle, car il était tourné vers la fenêtre. Mais  Saki, les yeux grands ouverts, ne voyait pas la colombe. Alors, Fleur de Mai la quittant des yeux, regarda seulement Saki et lui tint  le petit doigt de la main droite. Le lendemain matin, elle lui prit la main et le jour suivant referma doucement le volet car le soleil chassait le sommeil de son ami. Chaque jour elle fit un petit geste. Le septième jour, la colombe arriva, tenant au bec un brin de muguet qu’elle posa sur la main de Saki.

 Il se réveilla et dit:

-C’est toi, Fleur de Mai?

- Oui, c’est moi.

- Tu entends?

- J’entends.

Il y eut un froissement d’ailes et ce fut le premier matin de leur nouvelle alliance.

J. de la Côte

 

Partager cet article
Repost0
19 août 2012 7 19 /08 /août /2012 09:51

P1060714---Version-2.jpg

 

Dis-moi...

 

Dis-moi quelque chose !

Les idées sont dans ma bouche comme cheveux sur la langue.

Même le silence est occupé, car ce jour, les cieux sont bouchés.

Un oiseau passe. Trait de lumière. Où vas-tu ? En viens-tu ?

Rose trémière, tu es belle. De quoi frémis-tu ? Toi aussi tu es de là-bas ?

Le vent léger joue de ta chaude couleur comme de jupes qui dansent ? Le sais-tu ?

 

Dis moi quelque chose ! Tu me parles sans cesse, dis-tu sans paroles.

Alors, pourquoi cette soif ?

Qui s'endort avec la soif, disait grand mère...

Se réveille avec la santé.

Y aurait-il alors une bonne soif ? Un genre de bon désir ?

Un genre de bon allant, allant vers soi ? Ou bien vers toi ? Ou bien les deux ?

Un allant de bon aloi qui lève et pousse et jette... vers qui ?

Vers quoi ? Vers toi ?

Oh ! Ce souvenir brusque d'un motard qui adorait la poussée de sa grosse moto.

Il m'avait fait monter derrière, j'avais senti la poussée et deviné son sourire à l'avant.

Il s'en est allé maintenant vers toi, de tout son allant.

Il a suivi son sourire et me l'envoie d'un léger, si léger, si discret signe de  tête...

C'est vrai ! Un sourire, un désir, une soif, une joie, un amour, ne se vendent ni ne s'achètent.

Tiens! C'est un enfant du motard qui a dit cela un jour, d'un grand sourire en soleil.

 

Mais alors, que faire de la joie entrevue ce matin sur la mousse du rocher ?

Ou ce soir de ce cri, de ce chant de Vivaldi qui menait vers toi de tout son allant !

Sur quelle étagère les poser, sans les serrer, les conserver dans le froid musée des idées !

Je sais ! Avec l'informatique-tique tique et numerique ... avec ses clics et ses hics !

Elle les saisit de ses doigts de fée et les emporte ... avec ses clics  et ses clacs.

Puis elle fait Pfuittt en s'échappant du Mac.   Ouf !

                                                                                      J.O  17.08.012

Partager cet article
Repost0
6 mai 2012 7 06 /05 /mai /2012 18:44

couderchav-copie.jpg

4fils-vache.jpg

 

   

 

Ce flash bref, fait de souvenirs se télescopant avec le présent, est œuvre de pure imagination.

ce n'est qu'une histoire de jambon.

 

 


En ce temps là, dans la pénombre de la salle qui sentait le vieux,

trônait le fils penché sur son assiette de soupe aspirée à plaisir.

Je restais en silence, captivé par la porte qui menait à la vache et son fumet de St Nectaire,

la cuvette sous la fontaine entre porte et fenêtre, et la toile cirée sur la table.

Le lit clos et son édredon rouge s'entrevoyaient à peine.

L'antique poële "quatre marmites" conservait sans ronron quelques douze degrés.

Il avait trois petites bûches à sécher entre les pattes, elles devaient tenir la journée.

Au plafond, accroché aux poutres noires, un jambon dominait la situation.

Je tirais le banc et me posais là, pour le "bonjour" rituel de l'arrivée.

La Mère de cette maison, en allant de ci delà, comme font toutes les mères,

me racontait le pays et son mari, le pôvre, qui se sentait lourd après les repas,

et menait la vache sur le couderc et le voisin qui faisait la vie. Ah ! Pôvre...la vie !

La Mère toujours souriante, affable nous apportait le lait du matin.

Chez eux, l'amitié avait un nom.

Ils avaient aussi une chienne nommée "Miss",

Dès l'arrivée, je l'appelais de notre cour en criant "Miiiiss !!!" Et je sifflais...

Elle arrivait aussitôt, tortillant des fesses et de la queue, signes d'une joie intense.

Elle savait se tenir et ne rentrait dans la vieille maison voisine que le jour du départ...

 je la voyais alors monter l'escalier et passer dans toutes les pièces. Elle était chez elle.

 

Et voici déjà l'an deux mille courant dans ses douze ans.

Nos chers vosisins sont six pieds sous terre et derrière soixante années de souvenirs.

Chardon et orties ont envahi la cour, cachant le fumier tout sec.

Au minuscule jardin, la vieille ruche de paille, coiffée d'une casserole, a disparu.

Le petit avion girouette placé à la "pu-pinte" du laurier a dû s'envoler pour de bon.

 

Qu'est devenu le jambon de la grande salle? Il a dû être dégusté à petites tranches économes.

Pourquoi ce jambon s'accroche-t-il à ma mémoire comme jadis aux anciennes poutres ?

Je me demande, devant la vieille cour, qui nous étions pour ces si chers voisins ?

On parle encore de la robe blanche et des chapeaux de ma mère courant sur les chemins.

Nos robes à nous étaient brunes, m'a dit hier en soupirant, une aïeule au sortir de l'église.

Nous étions en vacances à la "montagne".

Notre voisin, celui de l'unique vache broutant sur le couderc rêvait, lui, de plates plaines.

Dans la grange un "vélocar" de 1900 nous fascinait quand nous jouions dans le foin.

Dans les hivers d'un autre siècle, ils vendaient de la toile, en France, comme tous les autres.

Qui étions nous ? Ils nous voyaient sans aucun doute comme des gens biens.

 

Pourquoi alors, en écrivant ce soir, me vient aux narines ce fumet insistant de jambon ?

Sa haute place, dominant son monde sous la poutre des voisins me serait-elle assortie ?

Je me tâte... et je hume en rêve ... Serait-ce mon odeur ?

Y aurait-il les bonnes gens, les gens bien, les gens bons, les jambons ?

Ne serais-je pas de cette variété là ? Fumé à l'encens, accroché à la poutre de mon église ?

Je me pince pour me réveiller, et trouve ma couenne très épaisse.

C'est poutant bien d'être accroché à une poutre, on peut ainsi dominer l'assemblée du regard.

Quel est ce mouvement qui me saisit alors  dans un demi sommeil ?

A-t-on jamais vu un jambon frissonner au bout de sa ficelle ?

Qui va lever les yeux vers lui, dans ses hauteurs fumeuses ?

Je décroche !  La vieilles ficelle craque sans bruit.

C'est la chute !

Ciel ? Où es-tu ?

Dans mon bon fauteuil, au coin d'un bon feu.

Dehors, le vent souffle sur les pauvres gens qui courent.

                                                                                                J.O.    04.012

Partager cet article
Repost0
1 mai 2012 2 01 /05 /mai /2012 10:16

Scan.jpgPICT5666.jpg

 

 

 Ce matin, vers six heures, une pomme de terre me regarde de ses sept yeux.  Rêve ou réalité ?

Mieux vaut me rendormir, mais vérifier, par souci scientifique, que mes chaussettes n'ont pas de trou. Ma grand mère me disait parfois en regardant mes orteils traverser le tissu:

" Oh! la belle pomme de terre ! Donne moi ta chaussette, pour mon œuf à repriser".

Du bout des doigts, j'explore les chaussettes sur le tapis. Non, pas de trou.

Le bienheureux sommeil revient.

 

Un moine de fière allure passe alors dans mon rêve. Il a proclamé dimanche: " le grain pourrit dans la terre." Il y a dans cette évocation du grain pourri, comme une fausse note, je l'avais sentie malgré le demi sommeil où me plongent parfois les sermons ... pardon, les homélies familières.

Impossible de dormir à nouveau avec ce "pourri" dans la tête, ce pourri que nous serions un jour en terre.

 

Dans ces cas là, le mieux est de s'asseoir, voire de déambuler pieds au frais.

Je marche, traverse le couloir et me recouche. Le sommeil revient aussitôt.

Est-ce un sommeil ? Ou un mi-sommeil...ou peut-être un quart ?

Cette fois, je vois passer les mains calleuses de mon grand père:

il m'apprend comme autrefois à couper les pommes de terre en quatre morceaux,

chaque morceau devant porter au moins un germe ou un œil.

Puis on les pose dans un trou fait dans la terre et on les recouvre.

Il faut de belles pommes de terre, qui surtout ne soient pas pourries !

 

Tiens ? Le moine me revient à l'esprit avec son homélie et je m'exclame sans bruit:

Jamais un paysan n'accepterait de planter une patate pourrie: elle ne germerait pas !

 

C'est vrai ! Le quart de patate ne pourrit pas, mais sa chair nourrit le germe.

Pourquoi parle-t-on toujours de mort quand il s'agit de vie !

Cette fois, la tranquillité revenue accompagne le si bon sommeil de l'aube.

Et je vois la chair de la patate que je suis se transformer, transpercer la terre et s'épanouir avec feuilles et fleurs.

 

Au petit déjeûner, j'apprends qu'on ne parle pas de patates pour de vulgaires pommes de terre.

mais pour les patates douces et sucrées d'Afrique. Pardon l'Afrique !

Puis, un souvenir brusque me saisit à la gorge et je manque m'étrangler dans le thé:

Je vois soudain passer devant mes yeux d'il y a quarante ans cette charmante vielle dame m'annonçant que nos fils, accrochés comme singes à la grille sur la rue, la traitaient  de "vieille patate..." Peut-être même pourrie...quand elle passait autrefois devant la maison.

 

Et voilà l'homélie du moine qui repasse et je me sens presque pourri de honte d'avoir engendré de tels rejetons. Je sens à nouveau la rougeur me saisir la face comme autrefois, devant la gentille vieille dame.

Humiliation... Sans doute pas humilité... quoique...

 

La nuit suivante, dans un nouveau rêve, un râleur se plaint de s'être coupé en quatre pour ses enfants, sans reconnaissance, c'est comme si "les autres" le recouvraient d'un couche de terre, d'humus...avec odeur de pourri.

 

À midi, me saisit la bonne odeur de la bienheureuse chair des pommes de terre, si bonnes en frites ou à la poële, puis revient ce souvenir d'enfance quand je les tirais à bouts de doigts de la si bonne terre:

Mon grand père disait: "regarde là-bas ! Encore cette petitoune; elle sera la meilleure !"

Et il fallait piocher, se pencher... gratter... remplir le sac. "Il faut savoir se gêner" disait grand père...

 

Et ce matin, vers six heures, me voici devenu patate, avec un œil, puis deux qui commencent à germer. Je me demande ce qui va sortir de la nuit.

Je me lève, me rendors et découvre, dans la suite de ce bienheureux rêve, que ma chair est peut-être destinée à nourrir le germe de vie éternelle que je porte... ou que je suis...

Serait-ce le sens de cette formule que ma pensée contourne si souvent, tête baissée:

La résurrection de la chair ?

 

Que vais-je dire, quand je le verrai, au bienheureux moine qui a réveillé la patate en moi ?

 

                                                                                                                      J.O.     Avril 2012  

 

Partager cet article
Repost0
28 avril 2012 6 28 /04 /avril /2012 16:33

nenuph 2

 

 


 

 

  Sur l'eau agitée, un cri du MOI:
Sauvez-moi ! Je me noie !
Sur l'eau miroir, le petit insecte "JE" glisse avec grâce.
J'arrive ! Mais mon chemin est si long... de grâce!
Attends, j'arrive, mon cher "Moi", ne te tracasse...
surtout pas...
Pour te sauver, il faudrait un vent qui passe...
Et le vent... Que fait le vent ? Seulement quelques rides...
Il vient de loin, il arrive, on le dit apatride.
Il voit soudain le JE qui cherche à sauver le MOI
C'est pitié de les voir tous deux ainsi aux abois.
L'un si fluet, l'autre si gonflé de SOI.
Il passe et repasse car LUI, en eux, il y croit,
 Doucement vers la berge le vent les pousse
JE, d'une force soudaine, saisit  une pousse
et tire MOI tout flasque qui se dégonfle en soufflant.
Le vent se pose, lui qui sifflait en s'en allant.
Il dit au MOI "je ne sais qui te faisait aller ainsi en te gonflant !"
Il dit au JE " Continue, ne le lâche pas: il est encore vivant".
Et JE dit au MOI: "Veux-tu que je glisse sur ta fierté ?"
Et MOI dit au JE : "Je ne sais d'où te vient cette bonté..."
Et JE répond: "C'est le vent qui me l'a soufflée en s'en allant".
Et MOI répond: "N'est-ce pas MOI qui ai soufflé en mourant ?"
"Mais non !" dit JE. "Il nous a remplis de vie en s'en allant.
Pour que nous glissions ensemble sur l'étang.
Mais si tu te gonfles, JE te pique !
                                                                                                J.O.            12.12.011

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
24 avril 2012 2 24 /04 /avril /2012 22:18

 

 

 
P1040645.JPGUne visite.
L'orage gronde sur les foins.
trois gouttes puis dix frappent les carreaux.
Un sommeil bienheureux envoie l'aïeul dans les nuages.
On frappe à la porte.
Il s'entend crier "entrez" de la voix si basse des rêves.
L'homme entre et se pose sur un des bancs.
L'aïeul tire le pain du tiroir et coupe deux tranches
Il remplit à la louche deux verres d'eau fraîche.  
Et s'assied en face du visiteur, sur l'autre banc.
Il         - Pourquoi cette visite ? Je ne te connais pas et pourtant je te connais.
A.        - C'est toi qui m'a appelé, dans ton sommeIl.
Il          - Je ne me souviens pas.
A          - Depuis ce matin, depuis trois jours, tu tournes autour de moi.
             Je n'ai vu que l'aïeule qui prépare le repas et fait la maison belle.
Il           - Qui es-tu ? Dis-moi ?
A           -  Abraham, c'est tout. Je passais devant votre maison et j'ai trouvé l'herbe haute.
              Les vaches se régalaient de leur si beau tour de langue. Tu les a vues ?
              Chez nous, Il n'y a que le bruit de l'herbe courte arrachée par les dents des chèvres.
              Tu m'as fait entrer et le silence ici, est aussi plein que sous notre tente.
L'aïeul ne dit rien.
Ils mangent leur pain et boivent trois gorgées.
Le tonnerre gronde au loin.
Il            - Pourquoi as-tu frappé à la porte ?
A            - C'est toi qui me cherchais depuis trois jours.
Il            - C'est vrai. Tu es l'aïeul des croyants... aussi nombreux que le sable de la mer.
               Et que sommes nous avec nos six enfants, qui ont fait quinze petits...?
              Je voudrais que tu me dises ce qui n'est pas écrit dans le livre...
              Parce que c'est toujours un autre que toi qui raconte ton histoire.
A.            - Le livre a portes et fenêtres...Approche toi ! Frappe, comme je l'ai fait à ta porte.
              Mettez-vous à plusieurs.  Laissez le vent se glisser dans le silence,
              entre mes paroles et les vôtres accordées.
              Peut-être en sortant, entendrez-vous brouter mes chèvres.
              Et ce soir, n'oubliez pas d'écouter si vous n'avez pas comme nous,
              sous les pierres du même feu, le même grillon qu'ici ... 
L'aïeul se réveille, et s'étire .
Seules quelques bribes de rêve descendent dans sa tête, fragiles comme ailes de papIllon.
                                                                                    J. O. 3 Juillet - 11 Octobre 2O1O
Partager cet article
Repost0
23 avril 2012 1 23 /04 /avril /2012 23:02

PICT0090.JPG

 

 

Le laboureur
Un laboureur est venu, que nul n'avait jamais vu.
Abram, un homme, s'est levé car il a entendu et il a cru.
Puis Sarah, ses fils, les femmes de ses fils et toute la suite.
Quinze siècles, ils ont labouré,
avec celui qu'on ne peut nommer, 
Le laboureur a éveillé Tamar, Ruth, Bethsabée et les autres
Il a montré le buisson à Moïse qui ne savait parler mais a fait un détour
puis a vu les Paroles du Sinaï et les a transmises.
Quand le champ a été prêt, quand ce fut la saison,
le Laboureur a parlé au cœur de Marie, de Joseph.
Jésus a été planté. Qui l'a vu a vu son Père, le laboureur.
Beaucoup disent qu'il s'est planté...
Du rien de la crèche au vide du tombeau, il nous a nourri de sa vie, de sa peine, de sa mort,
de sa pauvreté.
On l'a cru mort, il s'est relevé, il leur a cuit du poisson et a mangé avec eux
il leur a parlé, a rompu le pain et rendu le cœur brûlant
puis, traçant le chemin nouveau, il est reparti vers le Père.
Ils se sont crus seuls pour vivre en mémoire de lui.
Avec ce qui leur restait, ils ont continué à croire, mais c'était impossible aux hommes.
Alors la colombe est venue, c'est elle qui planait sur les eaux des origines
c'est elle qui soufflait sur Jean quand il baptisait Jésus.
C'est elle qui nous tient désormais sous son aile
et nous souffle que le laboureur, Jésus et elle, c'est tout un.
                                                                                                                        J.O. 27.05.010
Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Bible ciel ouvert
  • : Faire revivre nos textes fondateurs. Écouter les questions qu'ils posent. Oser des réactions personnelles. Livres sur demande sur le mail: jn.orfila@wanadoo.fr
  • Contact

Texte Libre

Recherche

Pages